L'art d'insulter les riches

Nous ne sommes pas tous égaux face aux insultes.
Les riches et les puissants s'en cirent leurs bottines en crocodile que vous les traitiez de « patrons-voyous », de « gamins de merde » ou, plus fleuri, de « sales porcs pleins de pognon ».
Il est donc urgent de réapprendre à les insulter d'une façon qui leur ira droit au cœur !

Admettons qu'un de ces messieurs d'en haut vous manque de respect et qu'il ait une drôle de trogne. Pourquoi ne pas le traiter de tête de SICAV, vous savez ce produit financier foireux qui n'est même pas côté en bourse... Ça doit avoir une drôle d'allure ce machin-là. Et puis, s'il se la pète vraiment mais qu'il fait les choses à moitié, lui lancer espèce de tricycle de golf en pleine face aura le mérite de le surprendre. Il a des allures de vieux-beau, façon Alain Delon ? L'appeler schnock de Knokke devrait aussi produire son effet.

N'oublions pas que chez les riches, l'honneur de la famille est aussi une valeur sûre. Dans un milieu d'avocats d'affaires ou de médecins spécialistes hautement réputés, dénigrer quelqu'un en l'appelant fils de généraliste ne peut pas laisser indifférent. Et s'il y a des ascendances nobles dans l'air, balancer un foutriquet sans particule à celui qui fixe tout le monde d'un regard en coin amènera sans doute un blanc bienvenu dans la conversation.
Toutefois, il ne faut pas ignorer que nous sommes désormais au XXIème siècle, à l'ère des sociétés anonymes et des multinationales. Dans ce contexte, l'insulte ultime demeure sans conteste : Ton père n'est qu'un actionnaire minoritaire. Comment, en effet, imaginer plus bel affront ?
Mais si vous tenez vraiment à insulter les mères, au lieu de faire allusion à leurs mœurs supposées dépravées, pourquoi ne pas lâcher, avec dédain : Ah, c'est ta mère, ça ? Elle se sape tellement comme une pauvre que j'ai cru que c'était la femme de chambre.... Effet garanti pour pourrir l'ambiance !

Enfin, gardons à l'esprit que si le riche peut se distinguer, c'est surtout grâce à sa fortune. Attaquons-le donc directement sur celle-ci ! Puisque que les signes d'aisance aiment à se montrer lors des réceptions mondaines, si vous venez à être invité par une bande de prout-prouts, allez-y et éclatez-vous !
Tout d'abord, repousser votre assiette d'une main et dites : Mais c'est du caviar de Calais, ça ! Quand on vous quémandera un commentaire sur le vin , enchaînez franco : Votre Saint-Émilion, ce breuvage soi-disant millésimé ? Il est tellement pas bon que j'appelle ça du Saint-Émillier !. Puis critiquez un peu les lieux. Gargarisez-vous d'un : Comment ? Ton antichambre et ton salon, c'est la même pièce ?.
Devant les yeux médusés de vos hôtes, inventez que même votre résidence secondaire est mieux que ça. Vous jubilerez, surtout si comme moi, vous n'en avez pas. Après, finissez votre raillerie par Eh ton yacht, tu l'as acheté à crédit ? De toutes façons, il est tellement petit que même Sarkozy n'en voudrait pas.

Alors là, c'est sûr qu'on ne vous invitera plus et que vous cesserez d'entendre Marie-Henriette se plaindre des mendiants ou de voir Jean-Charles exhiber sa collection de Rolex.